
» Si ce n’est pas moi, alors qui ? Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? »
Que c’est utile, car l’égalité n’arrive pas toute seule miraculeusement (ou elle prend les transports en commun et met bien trop de temps à arriver).
Que c’est primordial, car nous ressentons tous à des degrés divers les inconvénients d’un modèle genré inégalitaire.
Les plus sceptiques se demanderont ce que nous gagnons, nous autres estampillées féministes. Si ça vaut le coup devant l’énergie qu’il faut pour lutter contre un harcèlement massif toujours disproportionné pour avoir gueulé sur une injustice.
C’est une des meilleures choses qui me soit arrivée de m’intéresser à la question. J’ai ressenti de véritables bouffées de colère mais je me sens mieux armée face à ce que je dois affronter au quotidien.
J’ai arrêté de m’excuser
Quand j’ai voulu ouvrir ce blog et fait relire mes premiers articles, comme celui sur Les 4 filles du docteur March, mes relecteurs m’ont fait remarquer que j’utilisais beaucoup de parenthèses. Qu’on avait l’impression que je m’excusais et n’assumait pas ce que je disais, alors que des parties importantes de ma critique se trouvaient dans ces parenthèses.
De manière générale, je m’excusais souvent. Je me sentais mal de déranger. Beaucoup de mes conversations montraient une politesse excessive « excuse-moi de te demander ça, mais … » pour des situations où c’était en réalité à l’autre de se sentir mal d’avoir oublié de tenir tel ou tel engagement ou lorsque ma demande n’était pas un poids pour l’autre.
Devenir féministe m’a fait prendre conscience du fait que je questionnais sans cesse ma légitimité. Pour participer en cours, pour réclamer ce qui m’était dû, pour demander de l’aide à quelqu’un alors que j’aurais peut-être réussi à trouver l’information seule …
Je ne suis pas devenue impolie, j’ai commencé à me considérer comme une personne valant autant que les autres.
Je me suis mise en colère
Et ça m’a fait un bien fou.
Je me suis énervée parce que les vêtements féminins n’ont pas de poches et qu’il faut transporter un sac qui peut être volé, parce qu’une femme maquillée est considérée comme plus professionnelle qu’une ne l’étant pas, parce que ce sont les travailleuses du sexe dont on se moque mais qu’il y a une tolérance pour les clients, parce qu’on serine que l’égalité est atteinte avant de découvrir que les femmes occupent majoritairement les temps partiels et qu’il existe divers phénomènes tels que les parois de verre et le plancher collant. Je me suis énervée parce qu’on s’en prenait à mes amies, à leur corps, à leurs choix de vie et de couple, à leur identité.
J’ai découvert ce que ça faisait d’appartenir à un groupe, de penser sociologiquement ma petite existence individuelle. Que mes actions étaient moins limitées que j’en avais l’impression. Que de la même manière dont je suis végétarienne et provoque souvent le débat sur la consommation de viande au moment du repas, me revendiquer féministe crée des questions. Et c’est une bonne chose.
J’ai déversé ma colère, j’ai appris à débattre. Je gardais ma colère pour moi et me reprochais de n’avoir pas réagi. Je suis désormais capable de me plaindre, d’argumenter, d’analyser si ma demande est légitime et d’obtenir gain de cause petit à petit.
J’ai découvert la sororité

La « solidarité féminine » est souvent tournée en dérision. Au mieux, elle est critiquée parce que ce n’est pas vraiment de l’égalité de faire de la discrimination positive, non ?
Je ne veux plus me fier à l’impression que l’égalité va être réalisée prochainement sans efforts. Plusieurs journaux avaient relayé une information glaçante sur ce sujet : il faudrait attendre 2186 pour arriver à l’égalité salariale. L’égalité salariale, une de celles jugées légitimes parce que le harcèlement de rue est tout le temps minorisé, que le débat sur l’avortement est toujours récupéré par des questions religieuses, que les femmes battues « n’ont qu’à partir », que les journalistes se prennent un torrent d’insulte pour une histoire de poches de vêtements car ce serait trop futile … S’il faut encore 170 pour parvenir non pas à un avantage mais aux mêmes droits sur un sujet qui fait en principe consensus, je ne vais pas rester là à attendre.
J’ai commencé à lire plus de livres écrits par des femmes car l’article de Diglee m’a débloquée sur l’impression très désagréable que j’avais d’être un dommage collatéral ou un bonus quand je lisais. Si le récit me plaisait, tant mieux. Mais il ne cherchait pas à me considérer en tant que lecteur potentiel puisqu’il se concentrait uniquement sur le point de vue d’un homme et sa vision (réductrice) d’une femme tentatrice / mystérieuse / peu crédible. L’article publié hier par Diglee sur les poétesses a rempli ma liste de lecture, et je me suis sentie heureuse de savoir que je ne serai pas à nouveau quantité négligeable pour l’auteur d’un livre.
Si moi qui suis blanche, valide, cisgenre, hétérosexuelle ne me sens pas représentée, qui l’est ?
Le féminisme intersectionnel dans lequel je me reconnais essaie de faire de la place aux autres femmes. Par le petit bout de la lorgnette « nous subissons du sexisme toutes les deux », j’ai commencé à m’intéresser aux problèmes de racisme, validisme, homo et biphobie. J’ai encore beaucoup à apprendre sur ces sujets et je dois laisser la parole aux concernées, mais je suis heureuse de savoir le faire et je veux pouvoir les aider un jour.
C’est un article un peu brouillon (mais je ne veux pas m’en excuser en me faisant du mal comme d’habitude), j’espère qu’il vous sera utile.